En 2016, nous avons vu le contexte politique concernant l’agriculture familiale (AF) changer radicalement. Les gouvernements du Canada et de l’Australie, qui avaient des convictions très rudes à l’égard de l’agriculture familiale, ont changé de raisonnement alors que l’année 2016 était sur le point de commencer, entamant ainsi une nouvelle étape de possibilités pour obtenir des résultats en faveur de l’AF.
Cependant, dans des pays clés comme le Brésil ou les États-Unis, le contexte politique s’est considérablement détérioré : durant ces dix dernières années, le Brésil a non seulement adopté des politiques publiques pertinentes pour l’Agriculture Familiale dans son propre pays, mais a également su influencer de manière positive d’autres pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Au-delà même des frontières latino-américaines, le Brésil a été l’auteur de dizaines de projets de promotion de l’AF (souvent à travers la FAO).
L’impact des changements politiques aux États-Unis est toujours difficile à évaluer, bien que le nouveau mandataire ait clairement manifesté peu de sympathie à l’égard du système des Nations Unies, espace dans lequel le FRM développe une part importante de ses activités.
En résumé, nous devons nous faire à l’idée que nous faisons maintenant face à un contexte politique très différent des années précédentes (et probablement plus défavorable). Et cela signifie au moins deux choses : premièrement, que nous devons adapter notre façon de travailler dans les pays où la situation a changé (en 2017, nous ne pouvons travailler au Canada de la même manière qu’en 2014, ou comme on le faisait en 2015 au Brésil) et, deuxièmement, que notre travail au sein du FRM est plus nécessaire que jamais.
En tout cas, plus concrètement, en 2016 nous avons pu vivre quelques grandes réussites: en particulier la création d’un Mécanisme Régional de Dialogue sur l’Agriculture Familiale pour les pays membres du SICA (Système d’Intégration Centraméricain). Ce mécanisme est composé des Ministères de l’Agriculture et de la Société Civile du SICA (Belize, Costa Rica, Honduras, République Dominicaine, Panama, Nicaragua, Guatemala, le Salvador). Le document de sa création cite explicitement l’AIAF et offre la possibilité que les Comités Nationaux de l’Agriculture Familiale soient les instruments nationaux pour le dialogue en faveur de l’AF.
Une autre réussite est celle du Comité National de l’Agriculture Familiale (CNAF) de la RD Congo qui, pour la nouvelle période électorale, a élaboré et approuvé une Lettre Électorale de la Paysannerie ainsi qu’un Acte d’Engagement dirigé aux autorités publiques et aux dirigeants politiques potentiels du pays, afin de promouvoir le soutien à l’Agriculture Familiale.
Le CNAF du Kenya a participé aux « Policy networking forums », organisés par la Kenya Food Alliance et par le Growth Partners Africa, afin de traiter les avancées politiques concernant les droits des agriculteurs et agricultrices familiaux sur la biodiversité et les semences. Cet espace de dialogue a contribué à obtenir une loi reconnaissant ces droits : The Seeds Management Act (Amendment Act) 2016, qui protège les systèmes d’approvisionnement en semences gérés au niveau local.
Le Costa Rica est parvenu à faire adopter des Directives Nationales de l’Agriculture Familiale au sein du CNAF. Ces directives ont été utilisées pour rédiger le Projet de Loi-cadre du Droit Humain à l’Alimentation et à la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle. Nous célébrons également le début de l’élaboration de directives régionales de l’AF dans le cadre de la REAF. Le Parlement latino-américain (Parlatino) a également adopté une loi-cadre de l’AF, une idée similaire à celle des directives. Le G-20, sur proposition du gouvernement brésilien existant à l’époque, a inclus des références positives sur l’agriculture familiale lors de son sommet en septembre à Hangzhou, Chine. L’avant-projet initial tenait compte de l’idée de créer des directives en faveur de l’Agriculture Familiale.
Au Mali, grâce à une multitude d’actions qui ont commencé en octobre 2015, la CNOP et d’autres membres du CNAF ont réussi à bloquer l’adoption de la dernière version du projet de Loi Foncière Agricole (LFA) à l’Assemblée Nationale, en dépit de la volonté du gouvernement d’accélérer le processus. La majorité des acteurs du secteur ont invalidé cette version qui ne tenait pas compte des besoins des AF.
En Ouganda, plusieurs membres du CNAF (FRA, PELUM, ESAFF, SWAGEN, etc.) ont participé, en présence de représentants du Ministère de l’Agriculture, au groupe de travail d’entités non gouvernementales sur la vulgarisation agricole, en vue d’améliorer le système public de conseil agricole. Grâce à ce processus, ils ont réussi à augmenter l’enveloppe budgétaire de 22 000 millions UGX (5 723 377,27 €) pour la dotation en effectifs de vulgarisation agricole.
D’autre part, le CNAF de Colombie s’est lancé dans un processus prometteur pour la réforme de la constitution nationale à travers un Référendum pour l’Agriculture, dans lequel, en plus, le Comité a inclus une proposition de projet de Loi pour l’Agriculture Familiale, sur la base du travail effectué dans le cadre de l’AIAF+10.
Sur le plan interne, concernant le développement organisationnel du FRM, en 2016 nous avons promu de façon visible l’agriculture familiale au sein de l’ILC.
En guise de cadeau de fin d’année, nous avons également appris que le FRM a été sélectionné pour faire partie du Conseil de Direction du Forum Mondial pour la Recherche Agricole (GFAR), un espace international de référence. Ce nouvel espace nous permettra d’agir afin d’obtenir des programmes de Recherche Agricole mieux orientés à l’agriculture familiale. Nous faciliterons également une meilleure connexion entre les centres de recherche et les organisations de l’agriculture familiale.
Le rapport met en évidence d’autres éléments marquants concernant notre travail effectué en 2016, tels que le lancement de la campagne pour la déclaration de la décennie de l’agriculture familiale. Ce sera le gouvernement du Costa qui présentera la proposition devant l’Assemblée Générale des Nations Unies.
Pour nous, 2016 est aussi une année où nous sommes parvenus à incorporer de nouveaux partenaires importants au sein du FRM, tels que l’organisation d’agriculteurs des îles du Pacifique (PIFON), la coopérative Kaiku, UAGA, l’Université Polytechnique de Catalogne, la Fondation Valle Salado de Añana (Pays basque espagnol), Avialter ou encore Abelur. Également, nous avons pu adopter notre nouveau plan stratégique 2016-2020.
Pour en savoir plus sur le travail réalisé par le FRM pendant l’année 2016, nous vous invitons à lire notre rapport annuel.
Auxtin Ortiz
Directeur du Forum Rural Mondial